(1851-1926)
Désiré-Joseph MERCIER est né le 22 novembre 1851 à Braine l’Alleud, d’un père qui avait fait le coup de feu à Bruxelles en 1830, et d’une mère que ses voisines avaient pris l’habitude d’appeler « la sainte Madame Barbe ». Celle ci, par suite du décès prématuré de son mari, resta veuve avec cinq orphelins: trois filles qui, toutes trois, devinrent religieuses, et deux fils, dont l’aîné, Léon, sera médecin, tandis que Désiré Joseph se destine à la prêtrise.
Du collège Saint Rombaut à Malines où il fait ses études classiques, il passe au Grand Séminaire de la même ville où il se prépare au sacerdoce en s’adonnant à l’étude de la philosophie et de la théologie. Son évêque lui offre l’occasion d’approfondir ses connaissances en l’envoyant à la Faculté de Théologie de l’Université de Louvain. Ceci lui vaut de retrouver son frère et de se faire de nombreux amis qui, futurs médecins pour la plupart, lui ont attribué le sobriquet combien révélateur de « grand sympathique » !
Ordonné prêtre, Désiré Joseph Mercier se voit affecté à l’enseignement de la psychologie et de la logique au Séminaire de Malines, ce qui lui plaît assez. Il faut croire que ses talents n’y passent pas inaperçus puisqu’un jour, sur recommandation de l’évêque de Tournai, il est convoqué à Rome où il doit se présenter au pape Léon XIII lui-même. Celui ci envisage de créer à Louvain, en cette université au rayonnement mondial, une chaire de philosophie thomiste. L’impression que fit sur le pape, le jeune professeur de Malines fut sans doute favorable puisqu’il est, sur le champ, nommé titulaire de la chaire en question. L’abbé Mercier ambitionne de donner à cet enseignement des orientations nouvelles; pour mieux répondre aux interrogations de son temps, il cherche à jeter des passerelles entre science et religion.
Avant de se lancer dans l’aventure et afin de mieux atteindre l’objectif qu’il s’est fixé, il s’en va d’abord étudier la biologie à Paris où il a la chance de suivre notamment les cours du célèbre Charcot. Ainsi mieux armé il entame sa nouvelle tâche à Louvain, tâche qui l’occupera pendant vingt ans.
En 1888 il fonde à Louvain le Séminaire Léon XIII destiné à accueillir un certain nombre de futurs prêtres qui, détachés de leur diocèse, s’en viennent à Louvain parfaire leur formation philosophique. Homme d’avant garde, il est un des premiers à oser prôner l’abandon du latin au profit de la langue vulgaire dans l’enseignement de la philosophie et de la théologie!
En 1906 survient le décès du cardinal Goossens. Le pape Pie X nomme Désiré Joseph Mercier archevêque de Malines. D’entrée de jeu il se signale par un style nouveau le nouvel archevêque s’intéresse à tout et à tout le monde, il se préoccupe des questions sociales, s’adresse aux fidèles et aux prêtres en un style simple… Dès 1907, Pie X l’élève à la dignité cardinalice.
En 1914, la guerre le surprend à Rome où il participe au conclave qui aboutira à l’élection du pape Benoît XV. C’est là qu’il apprend l’incendie de Louvain et de la bibliothèque de l’Université. On devine son indignation. Celle ci redouble quand, rentré à Malines, il y trouve sa cathédrale mutilée par les bombardements de l’artillerie allemande.
Il assiste, la mort dans l’âme, au martyre de son pays: pillages, déportations, exécutions de patriotes se multiplient… Se taire n’est pas possible. Faisant fi de toute prudence et de toute diplomatie, il écrit au gouverneur allemand von Bissing, une vigoureuse lettre de protestation qui, à sa demande et malgré la surveillance de la Polizei, sera lue, le 1er janvier 1915, dans toutes les églises du diocèse de Malines. Il y proclame fièrement: « Le pouvoir occupant n’est pas une autorité légitime. Et, dès lors, dans l’intime de votre âme, vous ne lui devez ni estime, ni attachement, ni obéissance. Nous avons la prétention de rester, intérieurement, de coeur et d’âme, insoumis ! »
En quelques jours, la lettre fait le tour du pays (bientôt du monde) et cristallise la résistance de la Belgique entière. Fou de rage, von Bissing exige rétractation et excuses. Le cardinal reste inébranlable et se refuse à toute concession. Et, bien qu’il soit aux arrêts dans son palais épiscopal, Mgr Mercier continuera à protester chaque fois que l’exigera le sort fait à la Belgique. Celle ci lui en gardera d’ailleurs une reconnaissance qui ne se démentira jamais.
Après la guerre, mais sur un autre terrain, il fera la preuve du même courage. Allant à contre courant de l’opinion catholique de l’époque, il va se consacrer à la réconciliation des églises anglicane et catholique. A partir de 1921 il entame, en sa demeure, ces fameux « entretiens de Malines » qui sont comme les premiers jalons de ce mouvement oecuménique visant au rapprochement des églises séparées, dont on perçoit aujourd’hui les premiers résultats encourageants. Là encore, Mercier était largement en avance sur son temps.
En 1925, la santé de Mgr Mercier inquiète la Belgique. On apprend qu’il est hospitalisé à la clinique de la rue du Marais à Bruxelles. Le roi Albert, la reine Elisabeth se rendent à son chevet. Une opération est tentée, sans succès: la tumeur dont souffre la cardinal est cancéreuse. Et bientôt, c’est la fin.
Le télégraphe, la radio et les journaux transmettent la nouvelle. Le Cardinal est enterré dans la cathédrale Saint-Rombaut à Malines. Le monde entier est en deuil d’un grand patriote, d’un esprit aux vues audacieuses et d’un prélat éminent.